lundi 24 novembre 2014

Jour 1 : et la conscience fut !

Ce matin, j'ai appelé le cabinet de ma doc pour prendre un RV. Un RV dont je ne voulais pas entendre parler il y a encore quelques mois. Un RV que je rejetais de tout mon corps et de toute mon âme. Un RV qui me faisait peur et horreur. Parce qu'on va parler de me charcuter au plus profond de moi-même, de me mutiler... J'ai pris RV pour évoquer l'hypothèse d'une gastroplastie.

Flashback. Tout a commencé il y a vingt-quatre ans. J'étais jeune, plutôt jolie (en tout cas c'était ce que me renvoyait le regard social), relativement sportive, très bonne élève. J'avais 16 ans et j'étais extraordinairement mal dans ma peau. A l'époque, j'étais une cavalière passionnée, mais mon corps a commencé à me lâcher sournoisement : tendinites à répétition à la cheville gauche, dues à un déséquilibre entre les deux hanches et à une hyper-laxité des tendons. J'ai dû lever le pieds sur mes heures de sport toute l'année de première pour finalement abandonner totalement la pratique sportive l'année suivante. Et j'ai commencé à prendre du poids, insidieusement. De 60 kilos pour 1,68 m, je suis montée en deux ans à 68 kilos. Pas de quoi fouetter un poney, j'étais encore dans la sacro-sainte norme de l'IMC, je m'habillais facilement, et je ne me sentais pas si mal.

Arrive le temps de la fac, ses horaires décousus, ses finances limitées, ses soirées alcoolisées. Et toujours pas de sport. Là, le compteur a explosé : petit à petit, je suis montée jusqu'à 80 kilos, redescendue, remontée, redescendue. J'ai alterné des phases de boulimie et d'anorexie, tenté tous les régimes, des plus sérieux aux plus fantaisistes. Et l'aiguille montait, montait, montait, inexorablement. Plus je perdais de poids et plus j'en reprenais. Le fameux effet yo-yo. 15 ans de cette galère, et j'ai crevé le plafond, explosé les scores, j'ai dépassé les 100 kilos.

D'une certaine façon, c'est là que s'est joué le point de non-retour. Je découvrais les "joies" d'un job de cadre hyper stressant, avec là aussi des horaires complètement anarchiques, des nuits entrecoupées par les réveils en panique, la tête prise en permanence par des considérations professionnelles... Un corps qui prenait de plus en plus de place à mesure qu'il était de plus en plus oublié.

Et j'ai basculé du côté du lâcher prise. Après tout, "Mon corps, ma vie" : allez tous vous faire foutre ! Oui mais voilà, tout le monde te dit sans arrêt de lâcher prise, mais s'il y a bien un point sur lequel tu n'as pas ton mot à dire et tu seras toujours jugée, c'est quand tu lâches prise sur ton poids. Là, l'injonction est permanente, violente, intrusive. Tout le monde se sent autorisé à te balancer ses préjugés, à te dispenser ses précieux conseils de mince qui n'a pas la moindre idée de ce que c'est que de voir son corps se transformer au fil des années. Ni le pourquoi, ni le comment. Sans compter, bien sûr, les discriminations auxquelles tu te trouves confrontée régulièrement.

Alors j'ai commencé à accepter l'idée que j'étais grosse et que je le resterai. Que ceux qui y attachaient de l'importance n'avaient tout simplement pas leur mot à dire. Et que je n'avais qu'à ne pas tenir compte de leur avis. D'autant plus que je n'ai aucun problème de santé causé par l'obésité : pas de cholestérol, pas d'hypertension, pas de diabète. Des problèmes de dos et de chevilles et une apnée du sommeil antérieurs à la prise de poids, peut-être aggravés par celle-ci (du moins pour le dos et l'apnée : mes chevilles n'ont pratiquement plus jamais eu de soucis depuis que je suis obèse), mais rien n'est sûr en la matière. Et une doc parfaitement consciente qu'il n'y a pas d'urgence absolue à me faire perdre du poids puisque je suis bien dans cette peau-là et qu'on n'a pas de certitude que mes soucis de santé seraient améliorés par une masse adipeuse moins importante. J'ai eu des enfants, trois beaux garçons en pleine santé. Des hommes bien dans ma vie : un ex-mari, puis un amoureux avec lequel je suis bien depuis 5 ans. Bref, ça va plutôt pas mal, pas d'urgence, pas vraiment de raison valable de me pourrir la vie avec un énième régime, rééquilibrage alimentaire ou autre du même acabit... Et je fais plus de 120 kilos. Je n'ai toujours pas trop de mal à m'habiller, d'autant que je couds et que je me fais des tenues qui me plaisent et me vont bien.

Et puis voilà, autour de moi, les copines qui depuis quelques années passent le pas de la gastroplastie. Et pour qui ça se passe bien. La vie continue, changée, certes, mais belle aussi. Et puis les 40 ans. Et soudain la question, la seule qui vaille : aujourd'hui, je suis bien, mais dans 10 ans, dans 20 ans ? Est-ce que je serai encore capable de faire des choses avec mes enfants ? Est-ce que je devrai être appareillée ou au minimum marcher avec des cannes ? Est-ce que c'est vraiment ça que je veux ?

Alors voilà, ce matin, j'ai appelé le cabinet de ma doc et j'ai pris RV pour évoquer avec elle cette question de la gastroplastie. Parce que j'ai tout essayé des solutions strictement diététiques. Et que ça ne marche pas. Pas assez. Pas assez longtemps. Jamais. Alors aujourd'hui, c'est le premier jour d'un nouvel horizon : j'aurai ce premier entretien le 6 décembre. On verra déjà ce qu'elle, qui me connaît très bien, en pense. Ensuite il faudra que j'en parle avec ma psy. Et que je commence les démarches auprès du CHU. Le début d'un long chemin. Qui peut-être aboutira, et peut-être pas...

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